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mardi 2 février 2016

L'amour par terre / Elle et lui de Leo McCarey (Love affair, 1939)




Hier soir j'ai vu la première version de Elle et lui qui date de 1939. J'avais bien en tête la deuxième qui date de 1957 et que j'ai revu au Christine 21 pendant la période de Noël. Si je devais rapprocher McCarey d'un autre cinéaste classique, ce serait Ford, pour ce sentiment d'être toujours devant ses films aux origines mythologiques, bibliques, du cinéma américain. Elle et lui ne fait pas exception et la version de 1957 fait selon moi figure de canevas inamovible de la comédie romantique. Je fais l'hypothèse que c'est à cette époque, au mitan des années 50, que la comédie romantique telle qu'on la connaît encore aujourd'hui, trouve son origine (je pense à des films comme Sabrina de Wilder ou encore Designing woman de Minnelli). Qu'est-ce qui distingue la comédie romantique du mélodrame amoureux ou encore de la screwball comedy ? Je dirais que la comédie romantique pose moins la question des sentiments (leur absence ou leur présence) que de la place que l'amour accorde à la réalité, ou bien que la réalité veut bien accorder à l'amour. Lorsque l'incompatibilité se résout en compatibilité c'est bien que cette place (au principe d'amour dans le réel, au principe de réalité dans l'amour) a été enfin ménagée.

Ce qui m'a frappée devant la première version de Elle et lui c'est que cette question demeurait, plus que dans la seconde, le véritable sujet du film. Ce sont deux êtres qui, uniquement par amour, décident de régresser socialement et de se remettre à travailler. Un homme et une femme qui, en choisissant l'amour ne choisissent pas l'éther romantique mais d'être enfin au monde et d'y être au travail, pour reprendre les mots de Sartre. Ils ne choisissent pas non plus la fusion amoureuse, mais précisément le contraire : avant de se remettre ensemble chacun redevient complet, autonome, part à la conquête de son monde intérieur et de son indépendance financière certes, mais surtout ontologique, pourrait-on dire. De fait, l'accident qui arrive à Terry McKay n'est là que pour temporiser encore un peu plus la rencontre. Elle décide alors de ne pas avouer son accident, de se mettre au travail, de payer elle-même sa rééducation. Son amour passe par une forme de sacrifice tout intérieur qui n'est en fait rien d'autre que du courage. J'avoue que si la première version a ma préférence c'est que je préfèrerais toujours Irene Dunne à Deborah Kerr, car elle apporte à Elle et lui la violence et le réalisme social du mélodrame féminin.

C'est bien par là que le film révèle le schéma intime de la comédie romantique, entre mélodrame et comédie, entre pink champagne des débuts et réalisme social de la deuxième partie, entre flirt et courage des vivants. Il n'y avait que McCarey pour réaliser un tel film, que lui pour filmer l'amour comme partie d'un tout plus important, non négociable : le réel.
Qu'est-ce donc cet accident de voiture si ce n'est la métaphore même du réel entrant en collision avec une vision d'abord faussée et trop romantique de l'amour ? L'accident arrive précisément parce que Terry McKay est sur un nuage et gardait les yeux au ciel vers l'Empire State Building au lieu de regarder devant elle. Elle est donc corrigée dans son romantisme et le film rebascule à partir de ce moment-là. McKay avait déjà choisi l'indépendance économique et la "dureté de la vie", mais le propre du mélodrame est que les personnages doivent être éprouvés plusieurs fois, jusqu'à atteindre une forme de sainteté lucide (qui est le propre du jeu d'Irene Dunne dans le mélo).

L'éther romantique n'est plus de mise (le paquebot, l'Empire State Building), le réel inonde le film et s'annonce comme l'unique condition de possibilité de leur amour. En d'autres termes, c'est une règle définitive de la comédie romantique qu'énonce Elle et lui : l'amour n'est pas une ascension mais une chute dans le réel qui a tout de radieux. C'est peut-être là tout ce qui sépare le mauvais romantisme des véritables sentiments.




Travelling latéral qui descend progressivement vers Irene Dunne :

avant d'être réunis dans le plan, à la même hauteur




dimanche 29 mars 2015

Un premier remède : The Long Goodbye de Robert Altman


Je ne revois pas souvent The Long Goodbye bien que ce soit un film dans lequel je me vois, un de ces films qui résument ce que devrait être le cinéma pour moi, et sur lequel j'ai toujours voulu écrire ne serait-ce que pour me rapprocher de son secret. La sortie d'Inherent Vice a été l'occasion pour moi de repenser à ce film et d'aimer en partie le film de P.T. Anderson pour ce que j'y percevais du film d'Altman (des hommages conscients, une atmosphère à la fois détraquée et douloureuse). Puis je l'ai enfin revu avec un ami qui ne l'avait pas vu, plaisir décuplé donc, parce que celui à qui nous faisons découvrir quelque chose nous fait le cadeau de son innocence et que nous pouvons alors camper alternativement la position de celui qui revoit et de celui qui voit pour la première fois.

J'ai toujours eu une sympathie illimitée pour Robert Altman, qui s'explique d'autant plus qu'il reste un cinéaste assez mal aimé à la filmographie incroyablement imparfaite. Pour moi Altman a plus quelque chose de l'entertainer, de l'homme de télé ou du gérant de cirque que de l'auteur - alors qu'il en est un, mais c'est une façon pour moi de dire qu'Altman n'a jamais dû se penser comme un auteur et simplement faire des films, et c'est ce qui rend sa filmographie si incroyablement fourmillante, chaotique, précisément comme le sont ses films.
Je l'ai aimé très vite et très tôt, comme un beau caillou qu'on est le seul à trouver beau, comme un des secrets de ma cinéphilie. Je me souviens de Brewster McCloud à l'Action Ecoles, de Prêt-à-Porter au Forum des images, de The Last Show au UGC La Défense (je ne savais pas encore qui était Altman), de Trois Femmes et de The Long Goodbye sur mon ordinateur, du choc qu'avait été Short Cuts au lycée, puis enfin de la rétrospective à la Cinémathèque où j'ai pu quasiment tout voir. Souvent je trouve qu'il rate ses films par excès d'enthousiasme et absence de maîtrise, comme si finir un film consistait à se rapprocher du défoulement : Altman est parfois impatient d'aller chercher l'hystérie collective, ce moment où son groupe d'acteurs forme enfin un seul et même corps, et il le fait souvent à n'importe quel prix. Ses films donnent le sentiment de contenir un peuple entier : l'Amérique y est dépeinte comme une parade de personnages qu'il faut mener à un certain point d'hystérie, jusqu'au moment où ça craque : le spectacle qui se détraque, le mécanique sous l'humain, c'est ce qui semble l'intéresser.


C'est peut-être ce qui rend si beau et si singulier The Long Goodbye, film antérieur à la majorité de ses films-peuples : le fait que pour une fois, Altman (qui n'a évidemment pas filmé que des groupes) s'en tienne là à la simple silhouette nonchalante et mélancolique d'Elliott Gould (on peut aussi penser à John McCabe) qui glisse le long du film comme ont toujours glissé les détectives : leur effacement, bien que dicté par leur métier, a toujours quelque chose d'une métaphysique. Le détective comme personnage conceptuel : sans attaches, stoïque, qui a la mélancolie du dandy sans en avoir les avantages, qui s'efface pour laisser toute la place aux autres, pour récolter toute leur folie - Marlowe, c'est au fond un peu Altman, une sorte de chat qui se glisse silencieusement entre les jambes de ses personnages et les observe placidement.

Le détective c'est méthodologiquement celui qui doit s'en tenir à la ligne claire. Non assignable à un passé, Marlowe est tout entier défini par ses habitudes, par "ses trucs à lui". Le film recèle en lui-même de trouvailles géniales : Philip Marlowe passe son temps à se parler à lui-même, il cherche son chat pendant tout le film, allume ses cigarettes en craquant des allumettes sur les murs (on m'avait raconté que ces allumettes dangereuses, sont désormais interdites puisqu'elles pouvaient s'enflammer au moindre frottement) et ne cesse de répéter "It's ok with me". ll reste a cet homme sans passé la singularité de ses manies solitaires. L'ouverture du film est un sommet de nonchalance : les dix premières minutes du film sont consacrées à un chat qui a faim, comme si le film paressait, tardait à vouloir commencer et, engourdi, s'étirait le temps de ces dix longues minutes.

Sur le soliloque, Wilder est le seul cinéaste qui me revient en tête, dans Sept ans de réflexion il faisait parler tout seul Tom Ewell pendant toute la durée du film, accroissant le sentiment de solitude estivale et la misère sexuelle de son antihéros. Le soliloque, c'est un artifice de cinéma incroyable et beaucoup trop sous-exploité. Dans les deux cas, chez Altman comme chez Wilder, les deux héros ont l'air de personnages de bande-dessinée avec des bulles de pensées qui leur sortent de la tête.

The Long Goodbye annonce les films-peuples à venir dans cette façon qu'il a de se distendre encore et encore jusqu'à accueillir le maximum d'hétérogénéité. C'est l'une des règles et l'un des défis du cinéma d'Altman : remplir des films à ras-bord, ne pas trier, y mettre tout ce qu'on y trouve, jusqu'à ce que ça craque, jusqu'à l'embouteillage. The Long Goodbye est d'autant plus beau qu'il crée une sorte de contrepoint silencieux et observateur qui se fait le témoin amer de toute une série de personnages détraqués. Le film possède son centre, sa mesure : c'est Philip Marlowe, fermement arnaché à ses habitudes et à son costume.

Hétérogène, et donc par définition digressif. Digression d'une séquence par rapport à une autre, digression à l'intérieur du plan, digression des dialogues : tout est sur le mode digressif puisque le film se vit comme un élastique qui teste ses limites. The Long Goodbye nous perd ainsi dans les méandres de son intrigue alambiquée qui digresse en même temps qu'elle fait avancer son enquête. Le rythme faussement nonchalant et décontracté nous distrait d'ailleurs de l'intrigue voire nous fait rater certaines scènes - au bout de la troisième vision je découvre encore des scènes cachées dans les plis de ma distraction. Inherent Vice doit beaucoup à The Long Goodbye dans la mesure où les deux films donnent le sentiment d'être construit d'un seul tenant, d'être une longue et immense nappe de musique et d'images qui renfermerait dans toute son intégrité l'atmosphère d'une ville et d'une époque.

Que l'altérité fasse partie du même, c'est le principe que matérialise parfaitement la bande originale du film uniquement composée de diverses interprétations d'une même chanson composée par John Williams - jusqu'à qu'elle soit jouée par la sonnerie d'un portail. Ce même air joué partout fini de lier distraitement entre eux tous les personnages, de les lier d'un lien transparent et non contraignant, de les réunir en leur laissant toute leur liberté -ils sont solidaires d'une même intrigue mais pas déterminés par elle.
Pour cette raison même le souvenir du film ne cesse de vibrer de son atmosphère, parce que tout y est à la fois unité et hétérogénéité, parce que se remémorer The Long Goodbye c'est se souvenir d'une intrigue floue mais d'une atmosphère puissante. Le film comme totalité, ne déforme pas ce qu'il englobe, mais c'est précisément tout ce qu'il contient qui finit par lui donner sa forme. C'est ce que je retiens de The Long Goodbye, c'est pour cette raison que j'y trouve ce que doit être le cinéma : l'idée qu'un film circonscrit un espace de liberté pour ses personnages, qu'un film doit être une marionnette entre les mains de ses personnages, et non pas l'inverse.



dimanche 16 juin 2013

Vu quelques films de Jean-Claude Biette (Le champignon des Carpates, Le théâtre des matières, Loin de Manhattan, Le complexe de Toulon), j'avais déjà vu Saltimbank.
Pierre Léon a parlé de ce qui me gênait dans ses films en disant que Biette ne s'embarrassait pas de transitions, de chainons narratifs et explicatifs, qu'il écrivait parfois de longues scènes d'explication mais finissait par ne pas les tourner. C'est ce qui reste des films, une sorte de narration labyrinthique où l'existence est collée à l'existence. Et l'existence, c'est faire des visites, pénétrer un lieu, s'entretenir avec quelqu'un : aller à un entretien d'embauche, donner rendez-vous, aller dîner chez un ami, se rendre au théâtre. J'aime énormément cette idée de la visite.

Il y a, quand même, une sorte de décalage entre mon attente de ses chaînons et l'absence de ses chainons qui m'empêchent d'être attentive aux clés du film là où elles se trouvent, c'est-à-dire sur cette sorte de nappe désertique, de scène de théâtre de fortune où les scènes sont posées les unes à côté des autres plutôt que considérées comme les éléments d'un même ruban narratif, d'une même totalité organique.

Chez Biette, pas de substrat, et l'image me revient, c'est celle que j'avais déjà en tête pour Hong Sang-Soo : ce sont des cinéastes qui glânent, des petits enfants qui ramassent des cailloux, des bricoles sur le sol, de l'aléatoire qu'ils collectent et s'autorisent à  rassembler sous une même étiquette, une même "collection" : un film. Biette trouve des jeux de mots, Hong Sang-Soo trouve des petits bouts de papier, des limaces sur le sol.

Les premiers films vus me déconcertent un peu comme on peut être déconcerté par l'arrivée d'une personne peu commune, non encore identifiée et qu'on mettra toute la soirée à apprivoiser mais non pas en la quadrillant par notre système mais en se faisant quadriller par la personne elle-même. Comme s'il y avait une façon de comprendre en altérant et une façon de comprendre sans altérer la chose, c'est comme ça qu'est venu à moi Le complexe de Toulon, dans son dénuement et sa malice.


La malice au cinéma, j'ai compris ce que c'était et son importance en voyant les films de Moretti et de Wilder. Elle se déduit de certaines séquences, de film comme Sept ans de réflexion où Tom Ewell monologue tout seul, utilise des périphrases pour exprimer sa misère sexuelle et son mariage décevant. La malice est souvent une affaire de clandestinité, d'humour fait à soi-même, alors que l'humour est davantage socialisé, gagnant, la malice est tournée vers soi, elle est au bord de l'imperceptible, c'est l'humour du prisonnier. Chez Wilder elle passe alors par le détournement d'objets : la raquette-passoir dans La Garçonnière porte un peu de la solitude de Jack Lemmon. Bazin parlait des objets méchants chez Chaplin, la malice c'est la façon qu'à la maladresse de se réconcilier avec les objets, de trouver sa propre grâce, derrière le dos des objets. Wilder fait des films tristes qui s'obligent à sourire, et c'est pour ça que Sept ans de réflexion est magnifique.

Chez Biette c'est davantage une tonalité qui parcoure ses films, un truc que je commence à beaucoup aimer au cinéma, c'est une forme d'obligation de la joie, de profondeur dans la joie. Il y a ça dans Tip Top par exemple. Il y a des films qui font leurs preuves en se concluant par une sorte de "en fait je suis triste", comme si on avait été balloté pendant tout le film et qu'au moment de se poser un peu on ne trouvait que la tristesse, un vague à l'âme trop mal défini. C'est par exemple le dernier plan dispensable d'Un monde sans femmes de Guillaume Brac. (j'aimerais faire des listes d'exemples mais je fonctionne avec ma mémoire immédiate)

La tristesse est, apparemment, facile à reproduire, parce qu'elle est une affaire de sens suspendu, pas besoin de la signifier précisément pour l'invoquer, il suffit de lui tourner paresseusement autour. C'est ce qu'on croit, mais c'est plus compliqué que ça de faire des films tristes, et il faut la même précision avec laquelle composent les bonnes comédies.

La joie, la vraie, celle qui fait autant pleurer que la tristesse, est plus dure à signifier, à l'image de la précision rythmique que suppose le burlesque, c'est une affaire d'acupuncture, de clarté, et non de louvoiement. Il est facile de filmer des moments joyeux, pas facile de faire planer la joie sur un film.
Dans sa plénitude, la joie à des contours, la tristesse dilue les siens.

Il y a une scène magnifique entre Ysé Tran et Jean-Christophe Bouvet, dans Le complexe de Toulon, une scène dont Bozon dira plus tard que "c'est ce que rêverait d'écrire Bonitzer". Allongés sur le lit Bouvet parle à sa copine, lui dit des choses très belles, comme quoi la nuit il sait qu'elle se transforme en petit garçon.
Il faudrait la décortiquer pour arriver à y voir clair dans cette histoire de profondeur en surface, de joie qui émeut. Ce qu'il y a de magnifique dans cette scène c'est qu'elle se refuse à l'incommunicabilité, ce qui est une des caractéristiques de la joie. Ce qui va avec le refus de la psychologie. La psychologie c'est envisager les dialogues comme devant être triviaux et cumulatifs. On est psychologique quand la parole accumulée commence à signifier un certain état d'esprit, et quand cette parole est en même temps réduite à des échanges utilitaires, "elle est où maman ?" "ouais ouais / nan nan", "je descends chercher la clé", langage qui s'approcherait donc de celui qu'on utilise dans la réalité, créateur d'angles morts qu'envahirait par la suite le psychologique, souvent proche du marmonnement naturaliste - je pense ici à Belle Epine. Le cinéma ne parle plus comme dans les films et les personnages ne s'appartiennent plus eux-mêmes, mais appartiennent à leur psychologie, ils sont à fleur de peau.

A cela répond l'artificialité exprimée dans les jeu de mots qui sont dans les films de Biette, à une certaine éloquence et écriture qui signifie "tout est là, à la surface des mots", on peut se fier aux mots, il n'y a pas d'imprévisibilité psychologique, de renfoncement - tout est tourné vers le dehors. Ce qui fait que Biette ne semble pas pouvoir évoquer une histoire d'amour, son égoïsme, son clair-obscur, mais lui préfère l'amitié, le travail, la famille.

La très belle scène évoquée plus haut, c'est comme si elle nous posait les questions suivantes : peut-on parler à une femme comme si notre désir pour elle, et l'image qu'on a d'elle, la concernait autant que ça nous concerne ? Comme si elle pouvait y faire quelque chose, comme si elle pouvait prendre part à l'amour qu'elle inspire.
C'est ce qui gêne devant un film comme Comment je me suis disputé de Desplechin où l'on parle de sexe entre potes, où l'on filme des gorges et des petites culottes parce que les filles coïncident avec leur image, sont l'envers du narcissisme masculin - puis le film devient très beau quand Emmanuelle Devos vit toute seule, mange ses yaourts et va chez le gynéco, parce que justement, c'est son regard à elle qui se plie sur elle-même, et non plus celui d'un homme-qui-aimait-les-femmes.


Toujours un peu étrange de voir ce genre de plans, en même temps très beau, en ce que leur équivalent masculin n'existent pas au cinéma, comme si la collection de pulsions scopiques-érotiques était condamnée, pour les femmes, à ne jamais commencer.

Autre leçon apprise, ou plutôt confirmée, lors de cette scène au lit dans Le complexe de Toulon : l'idée qu'il faut poser la beauté en passant, sans s'y arrêter, on la pose ici avec la même négligence avec laquelle on poserait autre chose, on ne l'enrobe pas des alertes de sa présence. Son aura est rentrée, on la met au même niveau que le reste. Une belle scène doit s'avancer avec les pas feutrés du banal, la beauté doit être présente mais négligée : au cinéma, la beauté dure le temps de sa disparition. Quand je pense à mes scènes de films préférées je remarque que c'est la condition sine qua none de leur réussite.